Publié : 12/01/2022, mis à jour: 14/01/2022 à 10:00
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Les collections issues de la Bibliothèque des langues orientales

Les collections de la Bibliothèque des langues orientales constituent le cœur des collections de la BULAC ; elles représentent près de 80 % des collections transférées à l'établissement à son ouverture. Leur constitution est étroitement mêlée à l'histoire de l'École des langues orientales, créée en 1795 et de l'École des jeunes de langues, fondée à la fin du XVIIe siècle.

Manuscrit arabe

Syllabaire arabe du fonds des Jeunes de langues (MS.ARA.25).

1669 et 1700, Istanbul et Paris : une double origine

Istanbul

Frontispice d'un manuscrit copié au sein de l'École des jeunes de langues à Istanbul

Frontispice d'un manuscrit copié au sein de l'École des jeunes de langues à Istanbul (MS.TURC.191)

Une école de « Jeunes de langues » est créée à Istanbul, la première du genre, à l’initiative de Colbert le 18 novembre 1669. Elle est confiée aux pères capucins et sise dans les locaux de l’ambassade de France. On y enseigne d’abord le turc, l’arabe, le persan et rapidement le grec et l’arménien.

Certains livres et manuscrits présents dans les collections de la BIULO proviennent de la bibliothèque de cette école, dans laquelle de nombreux diplomates et marchands ont été formés.

Paris

Marque de provenance de salle des orientaux du collège Louis-le-Grand

Marque de provenance de la salle des orientaux du collège Louis-le-Grand (MS.PERS.5)

La seconde école est établie à Paris et fonctionne à partir de 1700, avec 12 bourses annuelles. Il s’agit d’une classe spéciale destinée à des élèves levantins ou français, que l’on appelle « les enfants arméniens », devant faire carrière dans les Échelles du Proche-Orient. En 1721, une réforme prévoit qu’après leur scolarité ces élèves finissent leurs études à l’école d’Istanbul. Établie dans le collège de Louis-le-Grand, cette classe est placée sous la férule des Jésuites jusqu’en 1762, date de leur expulsion, l’université prenant alors le relais.

Cette classe avait une bibliothèque composée de manuscrits apportés du Levant et de manuels rédigés tout spécialement à destination des élèves.

1795 : création de l’École spéciale des langues orientales, rue de Richelieu

Frontispice d'un manuscrit copié en 1801 à l'École des langues orientales

Frontispice d'un manuscrit copié en 1801 à l'École des langues orientales (MS.PERS.8)

Pour donner une impulsion nouvelle à l’enseignement des langues orientales, notamment grâce à l’influence de savants comme le célèbre Silvestre de Sacy (1758-1838), membre de l’Institut depuis 1785, est créée l’École spéciale des langues orientales. Ce sera l’œuvre de la Convention (décret-loi du 30 mars 1795) ; elle s’installe rue de Richelieu, à la Bibliothèque nationale. Dirigée à l’origine par Louis-Mathieu Langlès (1763-1824), on y enseigne l’arabe, le turc, le tatare de Crimée, le persan et le malais ; son directeur est en même temps conservateur des manuscrits orientaux de la Bibliothèque nationale, ce qui explique les liens étroits entre cet établissement et les « Langues orientales ».

1831 : fin de l’école de Constantinople

Réformée à la Révolution, l’école de Constantinople, que délaissent les Capucins en 1803, continue cependant son activité jusqu’en 1831. Antoine Ducaurroy (1755-1835) la dirige jusqu'en 1822. C'est un des correspondants de Silvestre de Sacy chargé de lui acheter des manuscrits ; il effectue également des acquisitions pour la bibliothèque de l’École. Ces ouvrages qui ont constitué le fonds destiné à l’enseignement n’avaient aucune prétention à l’érudition.

Joseph-Marie Jouannin (1783-1844) succède à Antoine Ducaurroy de 1822 à 1829 en tant que professeur de turc et d’arabe.

1838 : rédaction du premier catalogue de la bibliothèque

Extrait du registre des prêts de 1838

Extrait du registre des emprunts dans le catalogue de 1838 (ARC.BLO.1)

L’École des langues de Louis le Grand doit beaucoup à Joseph-Marie Jouannin, il en est l’administrateur et le bibliothécaire de 1829 à sa mort.

Joseph-Marie Jouannin va considérablement enrichir le fonds de la bibliothèque en acquérant les manuscrits utiles aux élèves. Il établit un catalogue de ces ouvrages en 1838 : on y compte 147 titres, 26 d’entre eux sont en arabe et ont été imprimés au Caire à partir de 1822. L’acquisition de nombreux ouvrages effectuée en Égypte et à Istanbul par Jouannin et ses successeurs, tel qu'Alix Desgranges (1793-1854), enrichit ce catalogue qui s’élève à 425 volumes (186 turcs, 133 arabes, 68 persans) en 1874, date de la fermeture de l’École de Louis-le-Grand. Le fonds de la bibliothèque est alors transféré rue de Lille.

1867 : la bibliothèque rassemble 725 volumes

Estampille aux palmes de l'École des langues orientales, au colophon du MS.TURC.130

Estampille aux palmes de l'École des langues orientales, au colophon du MS.TURC.130

Pour l’enseignement, on constitue une bibliothèque dans la salle où sont donnés les cours qui totalise 300 volumes en 1867 (dernière année d’activité de cet établissement). La bibliothèque compte 725 volumes lorsqu’elle est transférée en 1868 dans la nouvelle école dont la direction est confiée à Charles Schefer (1820-1898). Ce dernier avait été drogman, avait joué un grand rôle à Istanbul lors de la guerre de Crimée, et était lui-même collectionneur et bibliophile.

L'essor

1874 : l’École spéciale des langues orientales et sa bibliothèque s’installent rue de Lille

Page de titre de l’ouvrage Οκτώηχος νεωστι.

Page de titre de l’ouvrage Οκτώηχος νεωστι. Fonds Brunet de Presles ( RES 8 2619).

Sous l’impulsion de Charles Schefer, et grâce à son dynamisme, l’École, d'abord accueillie provisoirement avec ses livres en 1868 au Collège de France, va trouver un bâtiment spécialement aménagé pour elle. Dans le même temps, Auguste Carrière (1838-1902), arménisant et sémitisant, est nommé bibliothécaire. L’œuvre de Carrière est considérable : il constitue une bibliothèque digne de ce nom, qui emménage définitivement rue de Lille en 1874. Les ouvrages rassemblés avant cette date sont désignés sous le nom d'ancien fonds. Après l'arrivée rue de Lille, le développement du fonds s’accélère. Dès 1875 lui sont donnés 1 600 volumes venant de l’helléniste Wladimir Brunet de Presles (1809-1875), ainsi que des volumes venant de bibliothèques de savants (ventes Jules Mohl, Garcin de Tassy, Alphonse Belin, Jules Thonnelier, etc.).

Les objectifs sont en effet clairement fixés : constituer des collections cohérentes — en langue originale et en traduction — dans les différentes langues et en littératures, sur les voyages, la géographie, l’histoire, les religions et le folklore des pays, en lien avec les enseignements de l’École. De la sorte, en 1898, la bibliothèque est riche de plus de 50 000 volumes, acquis en Europe, mais aussi grâce à un réseau de correspondants (Istanbul, Calcutta, Tanger, Bombay, Tchong-k’ing, Pékin, etc.) avec lesquels sont faits des échanges. Dans le même temps, l’enseignement de nouvelles langues induit la création de nouveaux fonds. Le chinois avait commencé à être enseigné en 1840 par Antoine Bazin (1799-1863), mais c’est le comte Michel-Alexandre de Kleczkowski (1818-1886) qui fonde à partir de 1871 un véritable enseignement de chinois moderne, grâce à son expérience d’interprète.

L’arabisant Maurice Gaudefroy-Demombynes (1852-1967) administre la bibliothèque de 1898 à 1910.

À partir des années 1920, le fonds de la bibliothèque se diversifie

Le prince Sadazumi se transforme en dragon (ryû) dans son rêve dans l’ouvrage Gahon Wa-Kan no homare.

Le prince Sadazumi se transforme en dragon (ryû) dans son rêve dans l’ouvrage Gahon Wa-Kan no homare. Source de l’illustration.

Grâce à Julien Vinson (1843-1926) qui enseigne le tamoul puis l’hindustani de 1886 à 1921, le fonds tamoul se développe significativement. Paul Boyer (1864-1949), professeur de russe de 1891 à 1936, nommé administrateur en 1908, s’intéresse également à la bibliothèque qu’il fait agrandir et qu’il enrichit régulièrement. Il lui lègue sa propre bibliothèque en 1952.

C’est sous son mandat que s’est développé de 1921 à 1933 l’enseignement de plusieurs langues slaves et finno-ougriennes, qui a entraîné la constitution de fonds conséquents grâce aux dons d’Ivan Stchoukine (1869-1908) en 1909, du linguiste, spécialiste du slovène, Lucien Tesnière (1893-1954) et d’Élie Borschak (1891-1959) qui introduit en 1938 l’enseignement de l’ukrainien à l’École.

1945 : rattachement de la bibliothèque à la Direction des bibliothèques et de la lecture publique

À côté du système général de cotes par lettres simples et doubles institué en 1874, des fonds par langues sont constitués à partir de 1930. En 1945, la bibliothèque se trouve séparée administrativement de l’École et rattachée à la Direction des bibliothèques et de la lecture publique. Elle est alors riche de 150 000 volumes, 3 100 titres de périodiques et de 30 000 documents divers. Elle dispose alors d’un catalogue manuel, par auteur et par matière.

Après 1945, la bibliothèque connaît un développement régulier malgré la faiblesse de ses moyens financiers et des difficultés d’acquisition, l’évolution de l’édition dans les différents pays rendant parfois difficile la constitution de collections complètes. Le développement de laboratoires de recherche plus spécialisés a également conduit à des partages de compétences.

Dans la recomposition du paysage universitaire qui suit l'éclatement de l'Université de Paris au début des années 1970, la bibliothèque devient de statut inter-universitaire ; elle est rattachée administrativement à l'université Paris III à partir de 1978. Les locaux de la rue de Lille connaissent en 1980 d'important travaux qui augmentent les capacités de stockage des magasins, mais ceux-ci sont rapidement saturés, malgré l'ouverture de nombreuses annexes. La bibliothèque qui comptait 430 000 ouvrages en 1995, totalise, à la fin de l’année 2008, 740 989 monographies (avec un accroissement annuel de 14 000 volumes) et 12 189 titres de périodiques, dont 1 958 vivants. En 2010, la Bibliothèque inter-universitaire est fondue dans le GIP BULAC. Ses collections constituent près de 80 % des ouvrages qui emménagent rue des Grands Moulins, Paris XIIIe.

Histoire de l'École des jeunes de langues et de l'École des langues orientales

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