Publié : 06/09/2021, mis à jour: 15/01/2022 à 15:02
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Une pièce introuvable de Tagore exhumée à la BULAC

La pièce de théâtre, Tasher Desh, de Rabindranath Tagore, dont l’unique exemplaire en France est conservé dans les collections de la BULAC, a pu être exhumée grâce à la sagacité de Gwenael Beuchet. Ce trésor enfoui a pu conquérir un nouveau public et enchanter les aficionados de Tagore. Retour sur une enquête menée de main de maître par son commissaire.

La BULAC vue par Gwenael Beuchet, musée de la Carte à jouer, Issy-les-Moulineaux. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Gwenael Beuchet, commissaire de l’exposition, L’Inde et les ganjifas : les cartes à jouer indiennes miroirs d’une civilisation (2017). Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Par Clotilde Monteiro,
responsable de la
Communication institutionnelle

Une œuvre rare

La BULAC vue par Gwenael Beuchet, cartes à jouer indiennes, musée de la Carte à jouer, Issy-les-Moulineaux. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Véritables héroïnes de cette exposition, les cartes à jouer indiennes, dites « ganjifas mogholes », conservées au musée de la Carte à jouer. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Tasher Desh, littéralement le « royaume des cartes », est une œuvre rare du grand écrivain indien, Rabindranath Tagore (1861-1941), prix Nobel de littérature en 1913. C'est en préparant l'exposition L’Inde et les ganjifas, en 2016, que son commissaire, Gwenael Beuchet, découvre son existence. « En effectuant mes recherches, j'ai eu la surprise d'apprendre que Rabindranath Tagore, qui occupe une place immense dans le patrimoine littéraire et musical indien, avait écrit une pièce de théâtre en bengali dans laquelle il mettait en scène des cartes à jouer ! ». Une aubaine en effet pour celui qui prévoit alors d'aborder dans sa future exposition la façon dont les ganjifas, ces cartes à jouer peintes à la main, généralement de forme ronde, témoignent de l’histoire culturelle et artistique du sous-continent indien. « J'avais prévu de commencer par l'introduction des cartes en Inde au début du XVIe siècle par les conquérants moghols. Ces cartes dites, ganjifas mogholes, qui illustrent les fastes de la vie de cour, vont ensuite inspirer de nouveaux modèles de cartes hindouïsées, représentant des divinités, Vishnou et ses avatars notamment, mais aussi les héros des grandes épopées hindoues que sont le Mahabharata et le Ramayana. »

Gwenael Beuchet est attaché de conservation du patrimoine au musée français de la Carte à jouer d’Issy-les-Moulineaux. Il a été le commissaire de l’exposition, L’Inde et les ganjifas : les cartes à jouer indiennes miroirs d’une civilisation, proposée au public du musée en 2017.

La BULAC vue par Gwenael Beuchet. Notre enquêteur investigue la Toile pour trouver le moindre indice pouvant le conduire jusqu'à ce numéro de la « Modern Review ». Gwenael Beuchet, au musée de la Carte à jouer. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Il entame une enquête méticuleuse jusqu’à ce que sa détermination finisse par payer. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

 

« À partir de la fin du XIXe siècle et l’établissement de l'Empire colonial britannique, leur production va progressivement s’éteindre et être remplacée par des cartes européennes », nous explique-t-il. Gwenael Beuchet comprend que cette pièce de Tagore pourrait venir enrichir son exposition et que l’intérêt du grand poète indien pour les cartes européennes ne peut pas être anodin. Il entame alors une enquête méticuleuse jusqu’à ce que, de surprises en découvertes inopinées, sa détermination finisse par payer : « J'ai trouvé une référence à une traduction en anglais de cette pièce dans un numéro de la Modern Review, publiée à Calcutta en 1939, donc du vivant de Rabindranath Tagore ». Dès lors, notre enquêteur investigue la Toile pour trouver le moindre indice pouvant le conduire jusqu'à ce numéro de la Modern Review. Il la parcourt en tous sens, se perd dans ses méandres infinis, passe au peigne fin les sites de bibliothèques, à commencer bien sûr par la Bibliothèque nationale de France. Mais il ne trouve aucune trace de la conservation de cette revue dans une collection publique et désespère d’avoir un jour accès à ce texte. 

À la manière des cartes d’Alice au Pays des merveilles, les cartes (anglaises) obéissent à des règles stupides et autoritaires. Subjuguées par un prince indien, elles vont peu à peu s’en défaire

Une double découverte

La BULAC vue par Gwenael Beuchet, musée de la Carte à jouer, Issy-les-Moulineaux. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Notre enquêteur investigue la Toile pour trouver le moindre indice pouvant le conduire jusqu'à ce numéro de la Modern ReviewGrégoire Maisonneuve / BULAC.

Son opiniâtreté finit par le conduire jusqu'à la BULAC, une bibliothèque dont il avoue ignorer alors l'existence. « Après l'avoir cherchée en vain un peu partout, je l'ai finalement trouvée dans les fonds patrimoniaux de la BULAC. » Pour Gwenael Beuchet, sa découverte de la BULAC et de la richesse de ses fonds se confond désormais avec celle de cette œuvre rare dont il s'émerveille encore : « À ma connaissance, la version publiée dans la Modern Review est la première version anglaise de cette pièce de théâtre. » Notre commissaire apprend alors en contactant un des conservateurs de la BULAC que ce numéro précis de la Modern Review se trouve dans un état permettant difficilement sa consultation et l’oriente vers le service de numérisation à la demande. « Le soutien est total et efficace !, se remémore-t-il avec enthousiasme ». Sa demande de numérisation in extenso de la pièce de Tagore est acceptée ! Et c'est ainsi que la reproduction numérisée de Tasher Desh et les illustrations qui l'accompagnent pourront faire partie intégrante de l’exposition qu’il prépare, et de son catalogue.

 

Un passeur enthousiaste

La BULAC vue par Gwenael Beuchet, musée de la Carte à jouer, Issy-les-Moulineaux. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Visite guidée par Gwenael Beuchet, au musée français de la Carte à jouer. Grégoire Maisonneuve / BULAC.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là ! Après avoir lu la pièce, Gwenael Beuchet est admiratif et conquis par la force de son propos : « Tasher Desh dénonce en filigrane la double aliénation, par le colonialisme anglais et le système des castes, de la société indienne de l'époque. À la manière des cartes d’Alice au Pays des merveilles, les cartes (anglaises) obéissent à des règles stupides et autoritaires. Subjuguées par un prince indien, elles vont peu à peu s’en défaire ». Ce passeur enthousiaste décide alors de traduire la pièce de Tagore, inédite en français, pour la rendre accessible aux futurs publics de l'exposition. L’idée fait mouche ! L’association internationale Tagore Sangam (Paris Ve), qui s’attache à promouvoir l’œuvre de l’éminent écrivain, accueille avec empressement ce projet.

Last but not least, la version française de Tasher Desh va également susciter l’engouement d’une professeure de l'école Justin Oudin d'Issy-les-Moulineaux. Brigitte Clénet décide, avec le metteur en scène Lorenzo Bois-Masson, de l'adapter pour ses élèves de CM1… Les répétitions auront même lieu dans une des salles du musée. C'est ainsi que Tasher Desh connaîtra sa première création en France, au musée français de la Carte à jouer. Un coup de maître !

Musée français de la Carte à jouer [En savoir plus]

Rabindranath Tagore dans le catalogue de la BULAC

La BULAC vue par Gwenael Beuchet. Catalogue de l'exposition, « L’Inde et les ganjifas ». Grégoire Maisonneuve / BULAC.
La BULAC vue par Gwenael Beuchet. Catalogue de l'exposition, « L’Inde et les ganjifas ». Grégoire Maisonneuve / BULAC.
La BULAC vue par Gwenael Beuchet. Catalogue de l'exposition, « L’Inde et les ganjifas ». Grégoire Maisonneuve / BULAC.
Test

Le fonds en langues indiennes de la BULAC représente la diversité linguistique du pays, qui comptait en 2019 vingt-deux langues officielles, hormis l’anglais. La bibliothèque possède des ouvrages en hindi, en ourdou, en bengali, en tamoule, en cingalais...

L’attrait de l’Orient : les illustrations d’Andrée Karpelès
15 mars 2018 > 30 avril 2018

Cette exposition met en lumière le travail de l'éditrice, illustratrice et traductrice Andrée Karpelès (1885-1956).

La BULAC vue par. Portrait Iris Farkhondeh 1,  Grégoire Maisonneuve / BULAC.

En assistant à son premier cours de danse indienne, Iris Farkhondeh est loin d’imaginer que celui-ci va la conduire à bifurquer dans ses études. C’est ainsi qu'en 2002, elle entame un cursus en études indiennes à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris III...