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TYPOGRAPHIAe ARABICAe

Organisateur(s) :BULAC

Cette exposition présente, pour la première fois en France, une histoire de la typographie arabe. Elle propose au grand public de découvrir les formes et les valeurs investies par la lettre arabe imprimée et ses techniques, de la Renaissance à nos jours.

TYPOGRAPHIAe ARABICAe

Roberto Hamm, Étude des graisses lors de la mise au point du projet de la typographie Anissa, 1978, archives Roberto Hamm (Archives Roberto Hamm).

Quand : 15 juin 2015 > 7 août 2015 Où : Rez-de-chaussée, Rez-de-jardin, Galerie du Pôle des langues et civilisations

À l'initiative du GIS Moyen-Orient et mondes musulmans, et à l'occasion de son premier congrès, la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC), l’École des hautes études en sociales (EHESS), avec l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM), se sont associés pour organiser l’exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe.

Si la calligraphie est centrale dans l’imaginaire de l’écriture arabe, la typographie a elle aussi été l’objet de recherches esthétiques, croisées avec un nécessaire impératif de grande diffusion. Pourtant, difficultés techniques et réticences religieuses expliquent un développement relativement tardif, marqué par l’emprise des empires coloniaux et l’expression d’affirmations identitaires. Aujourd’hui, graphistes et typographes sont nombreux à témoigner du dynamisme de la typographie arabe, dans une perspective interculturelle et internationale. Cette exposition veut sensibiliser un large public à la vitalité de la création typographique actuelle des pays d’écriture arabe, entre le Maroc et l’Iran, en s’inscrivant dans une perspective historique, en particulier depuis le développement de l’imprimerie. Son objectif est de contribuer à rendre plus visible un champ de la création encore méconnu malgré son dynamisme et son affirmation récente.

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe. Vue de la salle de lecture (Grégoire Maisonneuve / BULAC).

Parcours de l’exposition

Dans la galerie

En partant du présent, dans la galerie du Pôle des langues et des civilisations, l’exposition propose au visiteur de découvrir les travaux d’artistes, de graphistes et de typographes contemporains.

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe. Vue de la galerie (Grégoire Maisonneuve / BULAC).

Cette sélection d’artistes contemporains représentative d’une vaste zone géographique allant de l’Algérie à l’Iran en passant par l’Europe propose un aperçu du dynamisme qui anime la création graphique et typographique en matière d’écriture arabe et arabo-persane. Les travaux de Reza Abedini (Beyrouth), Nadine Chahine (Francfort), Mourad Krinah (Alger), Marco Maione (Paris), Naji El Mir (Paris) Iman Raad (New York), Bahia Shehab (Le Caire), Fenna Zamouri (Bruxelles) et de l’agence c-album pour l’Institut du monde arabe à Paris témoignent de stratégies qui concourent, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies, à un profond renouvellement : exploration des cultures anciennes et des formes traditionnelles pour forger des esthétiques contemporaines, adaptation de typographies latines à l’écriture arabe, modernisation par la simplification des caractères. Ces œuvres, en ouvrant des frontières temporelles et géographiques, apportent un souffle nouveau à la création graphique et typographique internationale.

Reza Abedini
Œuvre pour l’exposition Iranian Cultural Posters Exhibition

Affiche pour l’exposition Iranian Cultural Posters Exhibition (1 de 4), Téhéran, 2004. Sérigraphie, 50 x 70 cm.

Vit et travaille à Beyrouth (Liban).

Né en 1967, Reza Abedini a étudié le graphisme à l’Institut des beaux-arts de Téhéran (Iran), sa ville natale, puis la peinture à l’Université d’art (1992). En 1993, il fonde à Téhéran son agence, le Reza Abedini Studio. Le collectif d’artistes et éditeur Dabireh, qu’il a constitué en 2005, développe des recherches sur la typographie et ses liens avec la culture iranienne traditionnelle. Tout en s’inscrivant dans une perspective de dialogue interculturel, Reza Abedini travaille à dépasser un modèle de typographie latine inadapté à l’écriture arabo-persane dont le principe de liaison entre les lettres est à ses yeux constitutif. Membre de l’Alliance graphique internationale depuis 2001, Reza Abedini a reçu en 2006 le premier prix de la fondation Prince Claus. Cofondateur en 2008 de l’agence orien+atiolab à Amsterdam (Pays-Bas), il enseigne actuellement le graphisme à l’Université américaine de Beyrouth (Liban).  

Image : Dans les nombreuses affiches qu’il a réalisées, Reza Abedini rappelle le geste du calligraphe et joue sur la qualité d’image des textes en travaillant sur leur superposition, leur accumulation, leur répétition.

Nadine Chahine
Infographie de Nadine Chahine

Nadine Chahine, sans titre, 2015, infographie.

Vit et travaille à Francfort-sur-le-Main (Allemagne).

Libanaise, Nadine Chahine a étudié le design graphique à l’Université américaine de Beyrouth, puis s’est spécialisée en typographie à l’Université de Reading (Grande-Bretagne) où elle a réalisé un travail précurseur sur une police adaptée à la fois aux écritures arabe et latine, la Koufiya. Elle est entrée en 2005 chez Linotype, aujourd’hui Monotype, comme spécialiste de l'arabe. Créatrice de plusieurs autres polices, elle travaille sur la lisibilité des caractères dans différentes écritures (arabes, latines et chinoises) en fonction du mouvement des yeux. Docteur de l'Université de Leyde (Pays-Bas), elle a enseigné à l’Université américaine de Dubaï et à l’Université américaine de Beyrouth et a reçu de nombreux prix. Son travail figure parmi ceux qu’a retenu la 5e édition de la Megg's History of Graphic Design (New York, Wiley, 2011).

Image : Nadine Chahine manifeste ici l’exigence d’une qualité qui place la typographie arabe au même plan que la typographie latine. À droite de l’image, on peut lire, dans différentes polices qu’elle a créées, le célèbre poème d’Abû l-Qâsim ach-Chabbî, composé en 1933, et dont les premiers vers, intégrés à l’hymne national tunisien, ont été repris en 2011 par les manifestants réclamant droits et libertés dans le monde arabe : Si un jour le peuple veut vivre / Il faudra que le destin lui réponde / Il faudra que la nuit se dissipe / Et que les chaînes se rompent...

Naji El Mir
Œuvre de Naji El Mir

Naji El Mir, Takhlîs al-ibrîz fî talkhîs Bârîs [L'Or de Paris] de Rifâ‘a al-Tahtâwî, 2015. Affiche, 84 x 120 cm.

Vit et travaille à Paris (France).

Né à Tripoli (Liban) en 1980, Naji El Mir a obtenu en 2003 son Bachelor of Arts en design graphique à l’Université libano-américaine (LAU) de Beyrouth, avant de poursuivre ses études à l’université de Toulouse Le Mirail (arts appliqués spécialisés dans l’animation), et à la Sorbonne (master en design multimédia interactif, 2006). En 2009, il participe au projet Typographic Matchmaking in the City de la Khatt Foundation à Amsterdam, en créant avec le designer graphique néerlandais Max Kisman une typographie arabe et latine. Depuis sa création en 2013, son studio de design graphique a reçu différentes commandes de la part d’institutions culturelles et audiovisuelles (Arte France, France Télévisions, Les Télécréateurs, Publicis France, Brandimage Paris, Visualising Palestine, etc.). En 2014, il a collaboré avec l’Atelier Philippe Apeloig au projet du Louvre Abu Dhabi en tant que spécialiste de la typographie arabe et aide à la création des supports numériques. Les créations typographiques en langue arabe de Naji El Mir sont le fruit d’une approche moderne et expérimentale et font l’objet de publications dans plusieurs ouvrages. Il a exposé son travail plusieurs fois à l’étranger (Amsterdam, Beyrouth, Doha, Dubaï, New York et Téhéran).

Image : Cette création numérique utilise le caractère typographique Storyline Arabic pour illustrer les réflexions de l’imâm réformateur Rifâ‘a al-Tahtâwî.

Mourad Krinah
Œuvre de Mourad Krinah

Mourad Krinah, Mosammim, 2013, infographie, 45 x 65 cm.

Vit et travaille à Alger (Algérie).

Né en 1976 et diplômé de l’École supérieure des Beaux-arts d’Alger en design graphique en 2006, Mourad Krinah s’intéresse à l’introduction des médias numériques dans l’art contemporain en Algérie ainsi qu’à l’image médiatique et à son impact sur le grand public. En détournant ce flux ininterrompu de messages visuels, l’artiste interroge leur impact sur la société. À partir de 2012, il commence à travailler sur le concept de papier peint réalisé en sérigraphie ou en impression numérique. La répétition du motif sur des surfaces planes permet de multiplier une image à l’infini et d’entrer en interaction avec l’espace qu’il occupe. Mourad Krinah s’intéresse aussi aux formes de l’écriture vernaculaire. Pour cette exposition, il propose une sélection de typographies accompagnée de créations inspirées par l’environnement visuel urbain d’Alger : graffitis ou ktibet el‑hiout (écritures sur les murs), enseignes, affiches... Membre fondateur du collectif Box 24 (2008), Mourad Krihah a contribué à la structuration du monde des arts visuels en Algérie et à mieux faire connaître les œuvres des artistes qui y travaillent. Il a ainsi assuré le commissariat des expositions Picturie Générale I et II (Alger, espace Artissimo, 2013 et La Baignoire, 2014) puis de La Nouvelle scène artistique algérienne pour la Biennale de Dakar 2014 (Sénégal). Dernièrement accueilli à la résidence Trankart de Tétouan (Maroc), il a participé à des expositions en Algérie et à l’étranger. 

Image : Minimalistes, les caractères Mosammim créés pour l'exposition Designers algériens au Bastion 23 (Alger) évoluent dans une composition élégante et architecturée.

Iman Raad
Œuvre de Iman Raad

Iman Raad, Honar nazd-e Irâniyân ast va bas (Much Many Art Bestowed upon the Iranian / Très beaucoup d’art accordé à l’Iranien), 2010.

Vit et travaille à Téhéran (Iran) et à New York (États-Unis).

Les compositions d’Iman Raad, né à Mashhad (Iran) en 1979, sont marquées par la richesse visuelle de la culture populaire iranienne, avec des références pouvant puiser dans un répertoire plus large, allant de l’Asie centrale au Nord de l’Afrique. Il croise les images de contes, de talismans, de bannières religieuses, d’écritures quotidiennes et calligraphiques avec celles de la culture pop contemporaine internationale. Ses œuvres ont été présentées à Dubaï (What Lies Beneath, Galerie IVDE, 2011 et 2012), à Berlin (RighttoLeft, Kunstquartier Bethanien, 2012) et à Bruxelles (galerie Isabelle van den Eynde, 2014). Des ouvrages de référence comme The Phaidon Archive of Graphic Design (Londres, Phaidon, 2012) et One by One (Berlin, Hesign Publishing & Design, 2012) lui font une place.  

Image : Iman Raad inscrit ce vers du Shâh Nâmeh (Livre des Rois), poème persan écrit par Ferdowsi vers l’an 1000, dans la forme du fameux logo pop des Rolling Stones, conçu en 1970 par John Pasche. En confrontant deux références culturelles aussi éloignées dans le temps et le genre, l’artiste questionne de manière ironique les effets du marché de l’art contemporain sur la production artistique locale et régionale.

Bahia Shehab
Œuvre de Bahia Shehab

Bahia Shehab, Encyclopédie de l’écriture arabe, 28 photographies et lettres arabes, 2015, 10 x 13 cm chaque (détail).

Vit et travaille au Caire (Égypte).          

Née au Caire en 1977, Bahia Shehab est une artiste, graphiste et historienne de l’art libano-égyptienne. Associate Professor à l’Université américaine du Caire, elle dirige les programmes de cultures visuelles et de graphisme. Elle a récemment créé un nouveau cursus de design graphique qui réserve une place importante à la culture visuelle du monde arabe. Directrice artistique de l’agence graphique Mi7, elle travaille aussi sur des projets de mise en valeur du patrimoine culturel égyptien. Ses recherches sur l’histoire de l’écriture arabe, notamment kûfi, ont nourri son livre A Thousand Times No : the Visual History of LamAlif (Khatt Foundation, 2010). La répression du mouvement révolutionnaire quelques mois plus tard l’a amenée à peindre sur les murs du Caire ses « NON », ce dont témoigne le documentaire Nefertiti's Daughters (2015). Reconnue pour sa créativité et son engagement, elle a été nommée TED (Technology, Entertainment and Design) Global Fellow par la Sapling Foundation en 2012. Elle a fait partie des cent femmes de l’année remarquées par la BBC en 2013 et 2014. En 2015, l’Université américaine de Beyrouth (Liban) lui a décerné un diplôme d’honneur.

Image : Réalisées par Bahia Shehab, ces photographies de monuments et d’objets proviennent de différentes parties du monde. Chacune d’elle met en valeur une des vingt-huit lettres de l'alphabet arabe, autorisant ainsi le spectateur à apprécier la diversité des supports et des écritures réalisées par des calligraphes au cours des siècles de dynasties arabes. Sous chaque image sont déclinées les différentes formes informatisées de la lettre équivalant au tracé en surbrillance. Prolongeant son travail de thésaurisation de la lettre lam-alif débuté en 2010 avec le projet A Thousand Time No : The Visual History of Lam Alif (2011), qui sera exposé sur le mur-rideau de la BULAC, l’artiste propose ici de retracer une histoire visuelle de l’alphabet arabe à travers le temps et l’espace.

Fenna Zamouri
Œuvre de Fenna Zamouri

Fenna Zamouri, VERWOORD, livre (extraits), 2006, 18 x 27 cm.

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique).

Née en 1979, Fenna Zamouri est diplômée de la Saint-Lukas School of Arts de Bruxelles et de l’Institut Plantin de typographie d’Anvers. Elle dirige l’agence Fenna qu’elle a créée en 2010. Son travail typographique allie une recherche historique (prenant pour références des manuscrits de Kairouan de la fin du Xe siècle et des écritures andalouses des XIIe et XIIIsiècles) à des interprétations contemporaines plus ludiques. Elle est attentive aux rythmes de ces écritures, à leurs proportions, à leurs mouvements.  

Image : Verwood est une recherche typographique qui explore la relation entre le monde visuel et la lettre telle qu’elle est définie dans les trois religions monothéistes dont les textes sacrés condamnent l’utilisation des images vues comme des idoles (Ancien Testament, Exode 20 : 4). Dans ce travail, chaque lettre des trois alphabets (hébreu, latin et arabe) est stylisée pour représenter une personne en prière.

Marco Maione
Œuvre de Marco Maione et Tristan Maillet

Marco Maione et Tristan Maillet, Bienvenue ! de la diversité linguistique au trialogue typographique, 2011.

Vit et travaille à Paris (France).

Marco Maione a étudié à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris (ENSAD) en design graphique et multimédia. Parallèlement à son travail de recherche sur le système d’écriture arabe, son histoire, ses propriétés et son état actuel, il développe avec Tristan Maillet son projet Bienvenue! de la diversité linguistique au trialogue typographique. Ce dernier repose sur une méthodologie typographique multilingue fondée sur les interrelations entre trois systèmes d'écriture : le latin, l’arabe et le mandarin. Avec l’agence c-album, Marco Maione a travaillé sur l’identité visuelle de l’Institut du monde arabe à Paris et pour les expositions Lieux saints partagés (musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, Marseille) et Magie : anges et démons dans la tradition juive (musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris). Il enseigne le design graphique à Paris et collabore à un programme de recherche de la Haute école d’art et de design (HEAD) à Genève (Suisse) sur la typographie multilingue dans l’espace public.  

Image : Ce projet développe une réflexion sur la visualisation du multilinguisme, la cohabitation typographique entre différents alphabets (latin, arabe, mandarin) et leur capacité d’insertion au sein de l’espace public.

c-album
c-album, identité visuelle du musée de l'Institut du monde arabe

c-album, identité visuelle du musée de l'Institut du monde arabe, 2012, affiche 4 x 3.

Paris (France)

Créée en juin 1996 à Paris, l’agence c-album a pour objet la création, la réalisation et l’édition d’œuvres de graphisme sur tout support, et travaille plus généralement sur la communication dans le domaine culturel. Outre de nombreux projets en lien avec le monde arabe (Pharaon descend à Pyramides, 2004 ; Oum Kalsoum, 2008 ; Arts de l’Islam, 2009 ; Orient-Hermès, 2010 à l’Institut du monde arabe), l’agence c-album a conçu le nouvel environnement visuel de l’Institut du Monde Arabe pour son 25e anniversaire (2011).

Image : Dessiné avec la contribution d'une équipe de typographes et de graphistes coordonnée par Laurent Ungerer, le caractère bilingue Mondara a été élaboré à partir de l’association du kûfî et du naskh avec des fontes latines, tout en respectant l’esprit du travail graphique originel de l’équipe de Jean Widmer. Complétés par un jeu de pictogrammes et de motifs ornementaux, le logo et la typographie Mondara ont été utilisés pour composer un répertoire de 200 mots choisis avec l'équipe du musée.  

La salle de lecture du rez-de-chaussée

Au sortir de la galerie, la partie contemporaine de l’exposition se poursuit dans les espaces de la BULAC, au rez-de-chaussée de la bibliothèque où le parcours, en remontant le temps, dévoile au regard du visiteur une sélection d’affiches produites dans les années 1970 et 1980.

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe. Vue de la salle de lecture (Grégoire Maisonneuve / BULAC).

Reproductible à peu de frais, articulant texte et image, l’affiche a été un support privilégié de propagande pour les États et les mouvements politiques affirmant une identité arabe. Elle a offert un champ d’expérimentation pour des artistes, anonymes ou reconnus, qui, avec un vocabulaire déchiffrable par le plus grand nombre, ont pu y affirmer des esthétiques nouvelles qui témoignent de liens avec les recherches des avant-gardes internationales. La sélection d’affiches présentée au rez-de-chaussée de la bibliothèque rend compte de l’engagement de nombreux artistes souvent marqué par le conflit israélo-palestinien.

Affiche de Mohammed Khadda

Mohammed Khadda, La Gestion socialiste des entreprises. 3e conférence nationale, Alger, vers 1975. Affiche, 87 x 63 cm. Bibliothèque nationale d’Alger.

Affiche réalisée par Mohammed Khadda, Commémoration de la Révolution agraire du 17 juin

Mohammed Khadda, Commémoration de la Révolution agraire du 17 juin, après 1971, coll. Bibliothèque nationale d’Alger, archives Naget Khadda (Coll. Bibliothèque nationale d’Alger, archives Naget Khadda).

La salle de lecture du rez-de-jardin

Au rez-de-jardin de la bibliothèque, l’émotion visuelle profite d’une mise en perspective historique.

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe. Vue de la salle de lecture (Grégoire Maisonneuve / BULAC).

La langue et son écriture ont été l'objet de débats politiques, en particulier depuis le XIXe siècle que de latiniser l'écriture, pouvait-on développer une typographie adaptée à la massification de l’imprimé ? Reproductions et documents originaux, issus de la collection des livres rares et précieux de la BULAC, présentent les grandes phases de la typographie de la lettre arabe, de la xylographie au Modulex en passant par l’extraordinaire typographie médicéenne. À travers ces collections d’imprimés anciens, l’exposition propose ici un retour vers les expériences qui ont eu lieu en Europe et dans l’Empire ottoman entre le XVIe siècle et le début du XIXe siècle. Le développement de l’imprimé et l’élaboration de modèles typographiques ont soulevé de profondes questions culturelles, religieuses et politiques, au-delà du monde professionnel des typographes et des contraintes techniques auxquelles ils se sont confrontés. Au XXe siècle, alors que l’ordinateur remplace la machine à écrire et que de nouvelles technologies se développent, les recherches sur les formes de la lettre imprimée arabe restent travaillées par la question de la généralisation de l'instruction, comme condition de développement de systèmes politiques démocratiques. L'œuvre de Roberto Hamm, dans le contexte de l’Algérie de la fin des années 1960 et des années 1970, en fournit un exemple.

La mécanisation de l’écriture d’une langue, l’arabe, qui, pour les musulmans, est celle de la Révélation, a suscité des résistances dans des milieux traditionalistes. En raison des ligatures de l’écriture arabe, sa reproduction mécanique a représenté par le passé un vrai défi technique.

Aujourd'hui, à l'ère de l'informatique, c'est avec des outils nouveaux et en profitant d'espaces comme la Khatt Foundation qu'anime Huda Smitshuijzen AbiFares à Amsterdam que designers et typographes travaillent à la conception de polices originales, en recherchant des équivalences aux polices latines les plus modernes en même temps que l'inscription dans des cultures visuelles particulières aux écritures arabes.

Alphabet de douze langues, avec la première grammaire arabe
Linguarum duodecim characteribus differentium alphabetum introductio ac legendi modus longe facillimus

Guillaume Postel, Linguarum duodecim characteribus differentium alphabetum introductio ac legendi modus longe facillimus..., Paris, Lescuyer et Vidoue, 1538, in-4o (page de titre). Collections de la BULAC, cote BULAC RES MON 8 38.

De retour d’un voyage en Orient, Guillaume Postel publie l’année de sa nomination au collège des lecteurs royaux un recueil de douze alphabets orientaux xylographiés. Celui de l’arabe sera repris en caractères mobiles pour sa Grammatica arabica (1539-1543) dont un exemplaire a été relié dans ce même volume.

Alphabet illustré de la langue turque avec les nouveaux caractères
Yeni Harflerle Resimli Türkçe Alfabe [Alphabet illustré de la langue turque avec les nouveaux caractères]

Ibrahim Hilmi, Yeni Harflerle Resimli Türkçe Alfabe [Alphabet illustré de la langue turque avec les nouveaux caractères], Istanbul, Hilmi Kitaphânesi, 1928, p. 20-21. Coll. particulière.

En 1928, en Turquie, la réforme de la langue voulue par Mustapha Kemal n’est pas une simple translittération de l’ancienne écriture vers la nouvelle mais repose sur une transcription phonétique. Ce choix permet de faire correspondre chaque lettre à un son de la langue turque et de réduire le nombre de lettres de l’alphabet. Les sons arabes sont ainsi supprimés, préfigurant les politiques de « purification » lexicale au profit des mots du « turc pur » à partir de 1932.

L’écriture arabe en question
Nasri Khattar, projets de réforme de l’écriture

Nasri Khattar, projets de réforme de l’écriture, 1947 et 1956. Extr. de R. Meynet, L’écriture arabe en question. Les projets de l’Académie de langue arabe du Caire de 1938 à 1968, Beyrouth, Dar el-Machreq, 1971, pl. 67-68. Collections de la BULAC, cote BIULO COL.20896(3).

Les projets que soumet Nasri Khattar, un architecte-designer libanais fixé aux États-Unis, répondent plus particulièrement aux besoins de la machine à écrire : il propose d’adopter des caractères isolés qu'on peut lier sans que leur forme en soit modifiée. La forme des lettres est par ailleurs immuable, quelle que soit leur position dans le mot. Nasri Khattar choisit l’exemple de la Fâtiha, la sourate d’ouverture du Coran, dessinée en caractères coufiques pour démontrer que « l’alphabet unifié facilite l’impression et l’instruction ».

Focus Roberto Hamm

Roberto Hamm est une figure singulière dans le panorama de la modernisation de la typographie arabe. Après un cursus à l’École d’arts appliqués d’Ulm (Hochschule für Gestaltung Ulm) en Allemagne, héritière du Bauhaus, il s’installe en 1970 à Alger où il participe à la création du bureau d’étude en environnement et communication de la Société nationale de sidérurgie (SNS). Il enseignera cette discipline à l’École nationale des beaux-arts d’Alger entre 1972 et 1976. En 1975, il publie un ouvrage précurseur, Pour une typographie arabe, qui constitue une étape importante pour la compréhension des enjeux liés à la modernisation de l’écriture, dans la continuité des travaux d’Ahmed Lakhdar-Ghazal. Cette recherche théorique s’accompagne d’une production de polices de caractères arabes (Tecnica en 1978, Anissa en 1980, restée à l’état de projet) qui contribue à mettre en pratique cet effort de modernisation. 

Roberto Hamm, projet Anissa

Roberto Hamm, projet Anissa : étude du décalage des pleins et déliés sur le caractère fa en vue d’un équilibre formel proche d'un tracé au qalam, 1978. Crayon et encre sur papier, 210 x 297 mm. Archives Roberto Hamm.

Roberto Hamm, étude des graisses pour la mise au point du projet de typographie Anissa, 1978.

La Lettre et la révolution des caractères mobiles en Europe

Les premiers caractères arabes imprimés sur papier se limitent à quelques mots, pour des cachets ou des amulettes. Des textes xylographiés sont cependant imprimés en Europe, avant la mise au point de caractères mobiles par Gutenberg, innovation qui n’est pas facilement adaptable à la lettre arabe. Du fait de ses ligatures, sa reproduction mécanique fait difficulté. On connaît un premier livre ainsi imprimé à Fano, dans les Marches, en 1516. C’est aussi en Italie, à Rome, que se développe l’impression d’ouvrages à la typographie parfois très soignée, à côté d’une production courante à l’usage des chrétiens d’Orient et des missionnaires.

Al-Kâfia

Ibn al-Hâjib, Al-Kâfia, Rome, Typographia Medicea, 1592, in-4° (page de titre). Collections de la BULAC, cote BIULO IJ.IV.41.

Ibn al-Hâjib, Al-Kâfia, Rome, Typographia Medicea, 1592Cette grammaire a été imprimée avec d'élégants caractères médicéens répondant au goût des bibliophiles. Ils témoignent d’une volonté de conserver les qualités esthétiques de la cursive naskhi.

Usulü’l Hikem fi Nizamü’l Ümem [Les fondements du pouvoir dans l’organisation des nations]

 

Ibrahim Müteferrika, Usulü’l Hikem fi Nizamü’l Ümem [Les fondements du pouvoir dans l’organisation des nations], Istanbul, I. Müteferrika, 1144 H. (1740), 19,6 x 12,9 cm (page de titre). Collections de la BULAC, cote BULAC RES MON 8 6011.

[Les fondements du pouvoir dans l’organisation des nations], Istanbul, I. Müteferrika, 1144À Istanbul, entre 1727 et 1745, près d’une vingtaine d'ouvrages sont imprimés avec des caractères arabes sur les presses d’Ibrahim Müteferrika, hongrois converti à l’islam. Parmi eux, un traité politique dont il est l’auteur : nourri d’Ibn Khaldoun et peut-être de Hobbes, il y invite le nouveau sultan Mahmoud 1er à réformer son armée. La disposition du décor de la page rappelle celle de manuscrits.

Les premières imprimeries au Moyen-Orient et en Afrique, XVIIIe-XXe siècle

Au XVIIIe siècle, de premiers caractères arabes sont imprimés dans l'empire ottoman (à Alep, dans le Mont Liban, à Istanbul...). Les réticences des autorités musulmanes vis-à-vis d'une reproduction mécanique restent cependant fortes, tout particulièrement pour les textes à contenu religieux. Alors que les empires britanniques et français s’affirment, le développement de l’imprimerie à Calcutta et au Caire marque un tournant. La lithographie contribue aussi à la multiplication du volume de la production imprimée en Asie et dans le bassin méditerranéen : offrant la possibilité de reproduire des écritures manuelles, elle connaît un grand succès au XIXe siècle. Plus tardivement, en Afrique subsaharienne, des langues comme le haoussa, le peul ou le wolof sont aussi parfois imprimées en caractères arabes.

Dictionnaire bilingue arabe-haoussa

 

Dictionnaire bilingue arabe-haoussa, Ghana, s. d. (p. 15), publié dans Nikolay Dobronravin, Arabograbičeskaâ pis'mennaâ tradiciâ zapadnoj Afriki, Univers. St-Pétersbourg, 1999.

Dictionnaire bilingue arabe-haoussa, Ghana. La diffusion de l’imprimerie s’est accompagnée en Afrique subsaharienne d’un développement de l’usage des caractères latins aux dépens de l’écriture arabe ʿajamî, adaptée aux spécificités des langues africaines. Il existe cependant des ouvrages imprimés en ʿajamî, souvent bilingues.

Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe, visite commentée
Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe, visite commentée
Exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe, visite commentée

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Itinérance de l’exposition au Maghreb

Après une étape tunisienne en 2017, TYPOGRAPHIAe ARABICAe a poursuivi son itinérance vers l'Égypte, dans le cadre de l’Année culturelle France Égypte 2019. Du 23 janvier au 5 février 2019, elle a été présentée au Centre international des expositions d’Égypte et à l'Institut français d’Égypte à l’occasion du 50e anniversaire de la Foire internationale du livre du Caire. Du 11 septembre au 6 octobre 2019, elle a été présentée à la Bibliotheca Alexandrina, où elle s'est enrichie de l’exceptionnel fonds du Musée des manuscrits et du Centre des manuscrits, de la collection du Centre des écrits et d’écriture de la Bibliotheca et de la présentation d’œuvres d’artistes contemporains égyptiens.

Visite de l'exposition le 11 septembre 2019 à la Bibliotheca Alexandrina. Crédits : Kyrllos Yousif.

Visite de l'exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe le 11 septembre 2019 à la Bibliotheca Alexandrina (Crédits : Kyrllos Yousif).

Visite guidée de l'exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe organisée par la Bibliotheca Alexandrina

Visite guidée de l'exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe organisée par la Bibliotheca pour les étudiants de l'Université Américaine du Caire (Crédits : Bibliotheca Alexandrina).

Sélection bibliographique sur la typographie arabe

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Dala'il al-khayrat [ دلائل الخيرات ]

Le domaine arabe constitue un des fonds les plus anciens de la bibliothèque et les plus riches de France. Il s’étend sur un espace géographique compris entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient et compte une vingtaine de pays. On...

Autour des manuscrits arabes (II)
13 septembre 2017 > 14 septembre 2017

Ce stage d'initiation aux manuscrits en caractères arabes est organisé par la BULAC et la section arabe de l'Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT).

Autour des manuscrits arabes (II)
5 janvier 2018 > 6 janvier 2018

Ce stage d'initiation aux manuscrits arabes est organisé par la BULAC et la section arabe de l'Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT).

Une histoire de l’Algérie par les sources arabes
3 novembre 2020 – 17:00 > 19:00

Cette rencontre avec Augustin Jomier, historien et arabisant (Inalco, CERMOM) et auteur d'une récente étude sur l'ibadisme contemporain, vous propose d'explorer l’historiographie renouvelée de l’Algérie de l’époque coloniale à partir de sources arabes et de découvrir les ressources ibadites de la BULAC.

Méhémet Ali, entre perceptions et héritages
15 octobre 2020 – 18:00 > 20:00

Cette rencontre associée à l'exposition Méhémet Ali, fondateur de l'Égypte moderne éclaire une séquence de l'histoire égyptienne en questionnant les perceptions de Méhémet Ali et ses héritages politiques et patrimoniaux.

Méhémet Ali, fondateur de l’Égypte moderne
8 septembre 2020 > 16 octobre 2020

À l'occasion des 250 ans de la naissance de Méhémet Ali, l'exposition vous propose de redécouvrir cet acteur clé de l'histoire de l’Égypte du XIXe siècle. Un choix de documents en arabe, en turc ottoman et en français vous...

Voyager avec Nasr Eddin Hodja
15 janvier 2018 > 14 mars 2018

Issu du folklore traditionnel du Moyen-Orient, Nasr Eddin Hodja traverse les cultures, de l’Afrique du Nord jusqu’à la Chine, en passant par l’Égypte, la Syrie, la Turquie... En accompagnement de la Nuit de la lecture 2018, l'exposition vous invite à découvrir la diversité éditoriale...

Nos intervenants

Fanny Gillet
PICTO intervenant extérieur

Doctorante à l’université de Genève. Ses travaux portent sur les relations entre art et politique dans l’Algérie post-indépendante (1962-2012) pour lesquels elle a effectué des terrains de recherche en Algérie entre 2011 et 2017. Co-commissaire de l'exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe.

Alain Messaoudi
PICTO intervenant extérieur

Historien, maître de conférences HDR en histoire contemporaine à l'université de Nantes. Membre du Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (CRHIA, université de Nantes), membre associé de l'Institut des mondes africaine (IMAf, EHESS, Paris). Co-commissaire de l'exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe.

Perin Emel Yavuz
PICTO intervenant extérieur

Docteure en arts : histoire et théorie de l’EHESS. Perin Emel Yavuz a soutenu une thèse intitulée Narrative art : de l’expérience du quotidien au monde de l’œuvre. Herméneutique de l’événement esthétique, sous la direction de Jean-Marie Schaeffer. À partir de ce travail qui concerne l’aire occidentale, elle cherche maintenant à détecter dans les aires non occidentales l’apparition, à la même période, de pratiques artistiques relevant de l’art conceptuel afin d’interroger les chronologies de l’art et le présupposé de l’avant-gardisme européen et américain. Co-commissaire de l'exposition TYPOGRAPHIAe ARABICAe.

Emmanuelle Garcia
PICTO intervenant extérieur

Emmanuelle Garcia est architecte-scénographe et graphiste. Elle est diplômée de l’école d’architecture Paris-Val-de-Seine (ex Paris-Malaquais). Elle est associée avec Étienne Lefrançois sous la forme e.deux. Ils ont notamment réalisé pour la BULAC la conception graphique et la scénographie de TYPOGRAPHIAe ARABICAe, la première exposition française sur la typographie arabe. e-deux.com

Étienne Lefrançois
PICTO intervenant extérieur

Étienne Lefrançois est scénographe, plasticien. Il est diplômé de l’école Nationale Supérieure des Arts Appliqués et Métiers d’Art (ENSAAMA). Il est associé avec Emmanuelle Garcia sous la forme e.deux. Ils ont notamment réalisé pour la BULAC la conception graphique et la scénographie de TYPOGRAPHIAe ARABICAe, la première exposition française sur la typographie arabe. e-deux.com